Yvonne et Robert Bontoux
Vivre Libre ou Mourir,
de Francs Tireurs Partisans à Vizille au Maquis de l' Oisans
Le secteur 5 du Maquis de l'Oisans
Recherchés par les Allemands suite aux évènements de Vizille, Robert et Yvonne rejoignent Sardonne et le Maquis

Peuplement des Maquis en Oisans
Le peuplement des maquis s'est opéré à partir de deux évènements clés de l'histoire de la seconde guerre mondiale. En effet, la fin de la zone libre, le 11 Novembre 1942, marque la fin de l'occupation italienne et le début de l'occupation par l'armée allemande des zones montagneuses des Alpes, et le 16 Février 1943 voit la loi du service du travail obligatoire, STO, promulguée par Vichy. Ainsi près de 200 000 réfractaires au STO rentrerons dans la clandestinité des Maquis ou quitterons la France pour rejoindre les troupes d'Afrique du Nord. C'est là le début des maquis dans l'Oisans. Le réfractaires sont peu à peu rejoint par des déserteurs Italiens, Espagnols mais aussi parfois Allemand. Des groupes isolés se forment parfois par hasard, parfois aussi par rattachement politique dans le seul objectif d'échapper à l'ennemi. La répression allemande, la collaboration de la milice française mais aussi la délation qui vont s'intensifier dans toute la France vont aussi pousser nombre de résistants des villes à se cacher dans les Maquis et venir compléter ces équipes éparses en manque de formation militaire et de structures combattantes. Le maquis verra arriver des jeunes de tous horizons, de culture parfois différente, de classes sociales disparates, originaires de toute la France et des pays limitrophes ou plus lointains avec des idéaux politiques Gaulliste, communiste ou neutre. C'est là la génèse du Maquis de l'Oisans, c'est là aussi son grand défit; se loger, se nourrir, se former, se hiérarchiser, se structurer, communiquer, s'approvisionner en armes et munitions et se transformer en unités combattantes. Il n'y a pas UN mais des maquis dans l'Oisans qui parfois même se sont trouvés en concurrence pour l'approvisionnement en armes et munitions voir parfois pour le partage des responsabilités dans les secteurs établis. Il y a donc bien eu plusieurs Maquis dans l'Oisans et plusieurs chefs dans les différents Maquis. La bonne coordination des Maquis était un enjeu clé du succès de la Résistance.

Secteur 5, les origines

"Les origines de la Résistance en Oisans sont une illustration typique de ce processus : réflexe individuels, initiatives sporadiques, rencontre de hasard, union des efforts, développement de l'action d'ensemble et embrigadement (...)" extrait de Le Maquis de l'Oisans de Joseph Perrin
Je rajoute ici l'importance psychologique, voir la honte de la défaite, la débacle même ! de 1939/40. Beaucoup de ces jeunes soldats mobilisés ont eu l'impression de devoir accepter la défaite sans véritablement se battre. C'est cette envie de revanche et de liberté qui animait alors certains de ces jeunes futurs combattant au moment de rejoindre les maquis. Raymond Bredèche et Robert Rocher (Bébert) étaient de ceux là. Ils sont les deux amis dont j'ai le plus entendu parlé à la maison. "Amis" le mot n'est probablement pas assez fort, je le mesure ici, Robert et Yvonne les appelaient "les copains". Ils étaient bien plus que ça. Raymond et Bébert, pompiers de Paris, déserteur pour rejoindre le Maquis, des hommes d'action, aventureux, généreux, ils pourraient être les héros d'un film moderne. Des "durs à cuire" disait Robert. J'invite à la lecture de "Carnet de Route d'un maquisard" de Raymond Bredèche, c'est un témoignage direct de la vie du secteur 5 du maquis de l'Oisans. Raymond y parle de l'arrivée de Robert au maquis : " 17 Février, Entrée d'un nouveau membre dans notre groupe. C'est Robert, FTP de Vizille. Dans des circonstances dramatiques, ses parents sont abattus par la Gestapo au cours d'une opération contre Vizille. Lui même est activement recherché et doit son salut à la précaution d'être parti de Vizille quelques jours avant la rafle. Son arrivée nous met en alerte. Ses beaux parents habitant Sardonne, il est à craindre que Robert soit recherché ici. Nous allons habiter à Près Reynaud (...) Robert s'adapte bien, mais il lave sa gamelle. Par contre, toute idée de lever matinal lui passe rapidement" Je souris en écrivant ces quelques mots, Robert a toujours était très matinal, il se levait à 5h du matin tous les jours, l'idée de le voir rester plus longtemps au lit me parait saugrenue !
Secteur 5, le quotidien

Le quotidien au maquis est ainsi décrit par Raymond : " Réveil à 7heures, décrassage jusqu'à 8 heures, à 8 heures déjeuner, de 9 heures à 10 heures éducation physique et théorie militaire, à midi soupe et repos jusqu'à 14 heures, de 14 heures à 17 heures corvée de bois, à 18 heures, soupe. La garde assurée par un seul homme est divisée en deux fraction, l'une de 21 h. à 2h. et l'autre de 2h. à 7h."
Les périodes d'inaction sont longues, quand la pressions allemande ne se faisait pas encore sentir, les membres d'un groupe pouvaient pour certains se faire embaucher , l'un chez un bucheron, l'autre dans une ferme en manque de main d'oeuvre, l'autre encore à l'usine électrique de l'eau d'Olle ou comme administratif dans une mairie, les besoins en main d'oeuvre ne manquaient pas et la population de l'Oisans aidait autant que possible ces jeunes clandestins. Ceux qui tentaient de tirer profit de la situation en s'engraissant au marché noir par ex. étaient vite identifiés comme le note Raymond : 24 Novembre, Expédition punitive chez un affameur public de la région
"Ce soir, branle bas de combat, nous devons immédiatement rejoindre le Lautaret (...) les sacs sont bouclés et toute trace de notre passage effacée. Un camion nous monte jusqu' au col. Là, le lieutenant nous rejoint (...) Nous touchons en plus de notre armement normal deux mitrailleuses légères américaines. Chaque groupe est divisé en deux parties : une pour servir le FM, l'autre pour la mitrailleuse. Dans mon groupe, je reste au FM avec Marcel, Pierre, Albert, Lucien, Gérard et Yves. Allo prends la mitrailleuse avec Edouard et Jean. Dans le groupe de Bébert, le Général prend le FM avec Emile, Robert et Charles. Bébert va à la mitrailleuse avec Auguste, Henri et René. Richard de mon groupe est placé comme mineur d'un tunnel que nous devons faire sauter (...) chacun rejoint ses positions, les couvertures sont dépliées et nous passons une bonne nuit à la belle étoile (...) une estafette du lieutenant passe dans les positions afin de nous renseigner sur la situation (...) des boches arrivent d'un peu partout à Briançon (...) je fais camoufler couvertures et sacs, allongé sur l'herbe je continue à rêvasser (...) tout à coup une moto descend du col à fond de train (...) c'est l'alerte, (...), des camions de boches partent de Monestier et se dirigent vers nous (...) cris de joie dans le groupe (..) chacun à son poste, nous attendons (...) lentement les minutes passent (...) l'impatience commence à se faire sentir (...) Enfin dans le lointain, le ronflement d'un moteur, dans un virage situé à trois kilomètres, un camion apparait, puis un second. Nous n'avons pas de jumelles et la distances trop grande pour pouvoir distinguer à l'oeil nu, si les véhicules transportent des boches ou un pacifique chargement quelconque (...) ce sont eux, mon coeur bat un peu plus vite (...) les camions approchent du tunnel miné derrière lequel se trouve le FM du Général. C'est lui qui doit ouvrir le feu. Le doigt sur la détente, nous attendons, les yeux rivés sur les camions tous les sens en éveil (...) le bruit de la première rafale déchire l'atmosphère, aussitôt suivi par le crépitement des trois autres armes automatiques (...) les camions sont stoppés net (...) la fusillade continue (...) les boches (tout du moins ceux qui ne sont pas atteints) sautent des véhicules et tentent de se camoufler dans les fossés ou derrières les pierres environnantes. Tout d'abord nos balles les atteignent presque partout puis certains réussissent à gagner quelques petits rochers où ils sont momentanément à l'abris (...) de là ils essaient de se replier par bonds (...) beaucoup sont atteints (...) quelques uns cependant ont réussis à gagner un tunnel où ils sont définitivement à l'abris. Le feu a considérablement diminué. les boches sont tous camouflés et nous ne tirons que lorsque nous les apercevons. Quelques balles sifflent au dessus de nos têtes (...) et la bagarre continue (...) Soudain un coup de sifflet du Général retentit (...) serait ce le repli ? (...) le tunnel n'a pas sauté. Nous n'entendons plus tirer la mitrailleuse de Bébert. A regret je commande donc la retraite. Tout à coup, le crépitement d'une mitrailleuse se fait entendre et une grèle de balles s'abat sur les arbustes juste au dessus de nos têtes. Nous sommes repérés, il faut évacuer les lieux. Dans une gorges, marchant tantôt dans le torrent tantôt dans les saules nous poursuivons notre chemin vers le Lautaret. Notre progression à travers les arbustes est très pénible (...) nous atteignons tout de même le col. Là j'apprends que Robert a été blessé à l'épaule et à l'oreille et que Richard a disparu. Les circonstances de sa disparition ne laissent pas beaucoup d'espoir. Le Général donne des explications (...) le coup de sifflet était bien pour le repli et aussi pour avertir Richard de faire sauter le tunnel. A plusieurs reprises le Général appela Richard en vain, il décida d'évacuer sans lui. les boches arrivaient en renfort ayant réussi à se hisser sur une crête dominant nos positions. De là ils nous tiraient dessus menaçant de nous encercler. Bébert de son coté avait, avec sa mitrailleuse dispersé une colonne ennemie venant au secours des deux camions (...)"
Tunnel du Rif Blanc


Joseph Perrin dit "Paradis" Chef du Secteur 5 écrit : " le 10, l'investissement de l'Oisans proprement dit était terminé avec l'occupation de Vizille à 10 heures et la concentration dans cette ville de deux bataillons avec artillerie de montagne. En fin d'après midi le premier convoi ennemi ...se présentait sous le col du Lautaret. Il s'agissait d'une colonne de Mongols (anciens prisonniers soviétiques, mercenaires de l'armée allemande) composée de deux camions en avant garde et du gros de la troupe suivant à une certaine distance. La section franche du Maquis de l'Oisans (...) ouvrit le feu vers 18heures au fusil mitrailleur et à la mitrailleuse légère, surprenant les premiers éléments ennemis et leurs causant de très lourdes pertes. Le combat se poursuivit jusqu'à 20 heures contre les renforts puis, pour éviter l'encerclement par les pentes où les renforts s'étaient infiltrés, la section franche se replia sur le col."






















